Prédication virtuelle, la Samaritaine

 

OLYMPUS DIGITAL CAMERAPour se changer les idées, voici la prédication que j’avais préparée pour ce dimanche 15 mars

Texte biblique : Jean 4, 1 à 42

( attention, il est long ! ) 

 

La Samaritaine !

Il me faut tout d’abord vous avouer quelque chose : je n’aime guère prêcher sur l’évangile selon Jean. Car le 4ème évangile est un texte à méditer, longuement, dans le secret de sa prière…

Car le 4ème évangile est un texte à travailler, longuement, dans son bureau avec tous les outils nécessaires. Car le 4ème évangile est un texte à partager en groupe biblique, longuement, et pour vous donner une idée, sur ce texte, avec le groupe de St-Jean nous avons passé deux séances d’une heure et demi. Alors, vous pensez bien qu’en ¼ d’heure de prédication … !

Car le texte johannique, et la Samaritaine en est un, est un texte d’une immense richesse et puissance théologique et spirituelle, où chaque image, chaque mot presque, est important et peut faire sens pour nous.

La Samaritaine, donc.

Remarquez que déjà, un piège nous guette : celui de réduire notre passage au seul dialogue avec la femme, alors qu’il y a deux dialogues qui s’enchaînent : le premier avec la femme, le deuxième avec les disciples.

On a beaucoup dit déjà sur le premier dialogue, sur le quiproquo, que Jean affectionne particulièrement comme ressort narratif pour nous aider à décoller de toute littéralité.

L’incroyable rencontre de l’Homme de Nazareth avec cette femme, hérétique au judaïsme de l’époque, et donc doublement impure aux yeux de la loi.

Or, cette femme, anonyme, va devenir pourtant, sous les yeux ébahis des disciples, la première véritable apôtre, la première envoyée, la première témoin par la parole de laquelle d’autres vont venir au Christ.

Oui, il y aurait tant de pistes à suivre, tant de fils à tirer…

Mais pour aujourd’hui, je ne retiens qu’un petit bout de la lorgnette : ce qui fait le lien entre ces deux dialogues, ce qui fait stéréo, écho, et l’un des axes principaux de notre passage : boire et manger.

Car oui, ce qui court entre les lignes, c’est cette thématique fondamentale : qu’est-ce qui peut me désaltérer, en vérité ? Qu’est-ce qui peut nourrir mon existence, en vérité ?

Qu’est-ce qui peut me donner la force et le courage pour me tenir debout alors que l’abîme de l’inconnu s’ouvre sous nos pas, lorsque plus rien ne semble plus rimer à rien ?

Qu’est-ce qui peut me donner l’envie d’aller voter alors qu’on se complaît à dire que cela ne sert à rien, que de toute façon tout est décidé ailleurs et que tous sont pourris…ce qui, non seulement, est faux mais en plus terrible et dangereux… Mais laissons cela.

Qu’est-ce qui peut nous désaltérer vraiment ? Nous nourrir vraiment ?

Ou pour le dire autrement, quel sera notre carburant intérieur ?

Les discours du café du commerce, la « désabusion » ordinaire, vieille comme la Bible elle-même : « Vanité des vanités, tout est vanité », avec son éternel : « tout fout le camp », ou encore la force de conviction en mes petits bras musclés et cette formidable intuition que « si tous les gars du monde et toutes les filles du monde » …. ?

Important, certes, mais j’ai bien peur que cela ne fasse pas encore la mesure…

 Oui, de quoi avons-nous soif, nous aussi, véritablement ?

Pour moi, d’une parole venue d’ailleurs qui vient se glisser à travers toutes nos incompréhensions, toutes nos inquiétudes, toutes nos souffrances pour nous réorienter vers les autres, vers la confiance et l’espérance.

Qu’est-ce que notre nourriture : Faire la volonté de Celui qui m’a envoyé, dit Jésus

Qu’est-ce que notre nourriture : Faire en sorte que nos existences prennent sens par la seule force d’une parole reçue.

 De quoi avons-nous soif, nous aussi, véritablement ?

Rien d’autre que de l’incroyable rencontre avec cette Parole qui veut redonner souffle à nos vies à bout de souffle.

Mais comment cela est-il possible, pour toi, pour moi ?

Comment cette rencontre peut-elle se produire pour toi, pour moi ?

Pour faire de nous des hommes et des femmes renouvelés par le souffle de la vérité ?

Où ?

Un petit mot, qui passe souvent inaperçu au verset 6, me semble pourtant essentiel. « Jésus était assis tout simplement au bord du puits », traduit la TOB ; un petit mot grec outos, qui signifie ici : ainsi, comme cela, d’une façon quelconque.

Où peut surgir la rencontre : n’importe où, de façon tout à fait quelconque, toujours là où on l’attend le moins.

Car la rencontre surgit toujours malgré nous, à notre insu, au plus ordinaire de notre quotidien et de nos fatigues, de notre fragilité. Pas lorsque nous somme forts et courageux.

Mais toujours lorsque nous sommes fatigués et épuisés : là nous attend la rencontre.

Pas « quand je serai grand », ou « quelqu’un », ou « savant », et heureusement, car alors nous pourrions attendre longtemps…! Mais tel quel ; tel que nous sommes…

Quand ?

Oui, mais quand ?

Quand : eh bien maintenant, là, comme cela, fussions-nous confinés par le coronavirus.

« L’heure vient, et c’est maintenant », dit le Maître au verset 23.

Oui, ici et maintenant, l’heure vient et elle est là, comme elle était là ce midi-là, au bord du puits, comme elle est là aujourd’hui, comme elle peut être là, chaque fois que nous nous efforçons d’être en vérité avec nous-mêmes, chaque fois que nous nous laissons interpeller par le Christ.

Comment ?

Par la parole. Encore et toujours, par la parole.

Mais attention, pas n’importe quelle parole :

L’avez-vous remarqué : par une parole qui interroge, qui questionne, qui s’ouvre à l’autre, à la rencontre…

« Comment, toi, le Juif, tu me demandes à boire, à moi une samaritaine ? »

Et la première parole du Maître était aussi une demande : « Donne-moi à boire… »

Dieu ne se tient pas au plus profond de nos convictions, mais il se dresse au plus profond de nos questions et c’est de là qu’il vient rouvrir nos vies et les réorienter vers la vie et ce qui fait vivre ; et cela en vie éternelle, en vie de plénitude ; car l’éternité n’est pas demain, mais elle est aujourd’hui, comme elle était déjà hier, comme elle est chaque fois que la vie triomphe sur la souffrance et la haine.

Oui, l’homme vit de questions, donc prenons garde de ne pas enfermer trop vite ni Dieu, ni l’autre dans nos réponses toutes faites.

Alors, ces incroyables rencontres qui font vivre :

Où ? n’importe où ;

Quand ? aujourd’hui ;

Comment ? par la seule force de nos questions.

Pourquoi ? Mais pour tout changer !

Pour redonner souffle à nos vies à bout de souffle, pour nous ouvrir au don qui seul peut redonner sens à nos vies trop souvent insensées…

Un verbe traverse tout le récit : donner. 12 fois dans notre péricope !

Voilà peut-être le secret.

Dans les jours à venir, alors qu’il nous faudra nous tenir chez nous, afin de ne pas être vecteur de transmission d’un vilain virus, un immense piège va nous guetter : celui de ne voir en l’autre qu’un risque, et la rencontre, quelque chose à craindre.

NON.

Il faut ici l’affirmer avec force, encore et toujours : l’autre n’est pas à craindre, mais à rencontrer.

Pour quelque temps, de pas trop près, c’est vrai, mais n’est-ce pas l’occasion de prendre conscience, alors que nous en seront privés, de l’importance vitale des rencontres, de toutes ces rencontres, à l’image de celle de la samaritaine, qui nous font vivre ?

A nous d’imaginer les moyens de continuer ces rencontres, d’une autre manière.

Lorsque Martin Luther a été confronté à la peste noire, il écrit ces mots qui peuvent nous éclairer sur la façon dont nous pouvons affronter les évènements actuels :

« Je demanderai à Dieu par miséricorde de nous protéger. Ensuite, je vais enfumer, pour aider à purifier l’air, donner des médicaments et les prendre. J’éviterai les lieux, et les personnes, où ma présence n’est pas nécessaire pour ne pas être contaminé et aussi infliger et affecter les autres, pour ne pas causer leur mort par suite de ma négligence […] Si mon voisin a besoin de moi, je n’éviterai ni lieu ni personne, mais j’irai librement comme indiqué ci-dessus. Voyez, c’est une telle foi qui craint Dieu parce qu’elle n’est ni impétueuse ni téméraire et ne tente pas Dieu. » (la lettre « Que l’on puisse fuir une peste mortelle » écrite au révérend Dr. John Hess, en 1527)

 

Ma sœur, mon frère, le chrétien ne vit que de rencontres, de ces rencontres improbables qui réorientent nos vies.

Le chrétien ne voit bien qu’avec ses oreilles, car c’est par la parole reçue qu’il peut voir la vie et le monde autrement.

Mais si nous venons à faillir, si parfois la chaleur du jour se fait trop forte,

Alors, assieds-toi et laisse-toi encore rencontrer par Celui dont la Parole est notre vraie nourriture, qui veut et peut véritablement désaltérer nos vies,

Alors nous serons témoins de vie. Qu’il nous en soit ainsi !

Amen

 

 

 

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