Retour sur la vigile de Noël

Pour ceux qui n’ont pu être présents et qui souhaiteraient lire la prédication narrative donnée ce soir là, la fameuse histoire des langes de Noël…

Prédication narrative pour la nuit de Noël, Saint-Jean 2019

Connaissez-vous l’histoire des langes de Noël ? 

Attention, pas l’histoire des anges de Noël, non, 

mais j’ai bien dit l’histoire des LANGES  de Noël ? 

Non ? En fait, ce sont deux anges qui me l’ont racontée. 

Oui, j’ai surpris, un soir, dans ma prière, la conversation de deux anges, une conversation, somme toute, assez animée.

Ils se chamaillaient, afin de savoir lequel avait eu le rôle le plus important dans l’histoire du salut.  Bon, après Gabriel, bien sûr. 

Lui, il avait la palme d’or des anges, c’est lui le premier qui avait parlé à Marie, pour lui annoncer l’incroyable nouvelle : un enfant naîtrait d’elle, la jeune fille ordinaire,  un enfant qui pourtant changerait la face du monde. 

Une parole jaillirait de lui, parole qui enfanterait « une nouvelle manière de croire en Dieu », et une nouvelle manière d’être humain, « à travers nos solidarités et nos passions », dans la confiance, l’espérance et la fraternité promises. Une naissance qui ferait de nous aussi des fils, des filles de Dieu, et donc qui nous fera frères et sœurs ensemble.

Donc, Gabriel avait la palme, mes deux anges étaient d’accord là dessus. 

Mais l’ange qui semblait le plus jeune, et qui était vêtu d’un vêtement blanc resplendissant, disait à l’autre, son aîné :

– Moi, j’étais dans le tombeau vide : et c’est moi qui ai annoncé aux femmes que Jésus, le crucifié, n’était plus là ; qu’il n’était pas à chercher  parmi les morts mais parmi les vivants ; que l’on n’enferme pas la lumière et la parole de vie, fut-ce dans un tombeau : jamais ! Et qu’il fallait aller ailleurs, dehors, vers les autres, pour désormais le rencontrer.

– Facile, répondit celui qui semblait le plus âgé, qui parlait d’une voix tonitruante et qui rayonnait de partout ; mais moi j’étais là, au début de l’histoire, juste après le « coup de com. » de Gabriel. Un vrai coup de génie marketing, que son Annonciation :  on ne parle plus que de lui ! 

Mais qui est-ce qui dut trouver des bergers, dans la nuit noire ?

Et  qui dut les calmer, ah, cette frayeur que je leur ai faite ; 

Et qui annonça au monde le signe qu’une toute nouvelle histoire commençait, cette nouvelle manière de croire en Dieu, et pour Dieu, cette nouvelle manière d’être avec les hommes, parmi eux, au milieu d’eux, avec eux désormais, à jamais ? 

C’est bibi ! Et j’ai même fait chanter, cette nuit là, la chorale céleste, et sans une fausse note, s’il vous plaît !

– Tu fais ton malin, répondit l’autre, mais tu crois que c’était facile de rouler la pierre du tombeau vide ? Fichtre, qu’elle était lourde, même pour un ange comme moi !

– D ‘accord, d’accord, rétorqua le premier, l’aîné, celui à la grosse voix qui fout la trouille ; mais le plus dur, c’est pas la pierre ; le plus compliqué, ce fut de trouver des langes, en pleine nuit, en pleine brousse ! Rien d’ouvert, pas même une auberge !

Des langes, tu le crois, toi ?

Pourtant, le Grand patron me l’avait bien précisé : « Quand tu annonceras mon signe, tu diras aux bergers : vous trouverez un bébé, enveloppé de langes et couché dans une mangeoire ». 

Alors je me suis permis de faire une remarque au Grand Patron, que l’on était pas obligé de rentrer ainsi dans les détails, que ça marche aussi bien de dire :  vous trouverez un bébé couché dans une mangeoire  (la mangeoire, je l’avais déjà repérée, mais pour les langes ..) !

Tu n’as pas compris, m’avait répliqué le Big boss ; « tu dois bien préciser : enveloppé de langes ! Si c’est la seule fois que ce mot apparaîtra dans tous leurs évangiles, c’est bien que je veux souligner, dit Dieu, une chose essentielle : Déjà, l’enfant est bien emmailloté, enserré de langes. Enfant d’homme au milieu des enfants d’homme, il ne peut déjà plus grand-chose. Sinon  par la seule force de sa parole. 

Signe par excellence de mon incarnation, symbole de ma faiblesse, parabole de la fragilité humaine et de l’absolue dépendance de ma puissance qui ne pourra plus naître désormais que dans le terreau de leurs fragilités enfin acceptées. 

Et tu vois, précisa le Grand Patron, j’enverrai, à la fin de cette histoire, mais qui sera en fait son vrai commencement, j’enverrai, dis-je, un autre de tes confrères, et dans le tombeau vide, il devra rouler, pas seulement la pierre, non, mais aussi les linges de deuils, et les laisser sur la pierre froide du tombeau : Seul signe désormais de son passage. 

Bouclant ainsi la boucle :

Ma parole, d’abord emmaillotée de langes, enfin libérée pour se répandre aux extrémités du monde, mais surtout, surtout, pour se répandre dans chaque existence qui m’ouvrira son cœur afin que je puisse la transfigurer, elle aussi, de ma lumière ».

– Ha, c’est pour cela, répondit l’ange le plus jeune, celui qui avait la robe blanche, c’est pour cela que j’ai dû rouler précautionneusement les linges de deuil, dans le tombeau vide ?

Ha, je comprends mieux, désormais : Des langes de la naissance aux linges du deuil,  ce qui était lié est désormais délié ; ce qui était retenu dans la chair est désormais libre dans l’esprit et le souffle pour chacune, chacun ; 

ce qui était enraciné dans la terre d’Israël est maintenant vivant en chaque femme, chaque homme qui l’ accueillera.

– Tu sais quoi, dit encore le plus jeune des anges, en fait, je les envie, ces humains : ils ne savent pas leurs chances,

ils ne mesurent pas leur dignité : devenir, eux aussi, le lieu où s’incarne la parole de vie. 

Devenir, eux aussi, le lieu où Dieu vient à naître, en eux et pour eux.

– Ha, oui, je les envie aussi, répondit l’aîné, et sur ces mots , les deux anges disparurent.

Chers amis, « Biens aimés », comme l’aurait dit Paul de Tarses, 

je ne savais pas si j’avais un peu rêvé, ou abusé du whisky…

Alors, j’ai repris mon Nouveau Testament grec et j’ai vérifié ; et ce que les anges m’avaient raconté était bien écrit, noir sur blanc : les langes et les linges ; 

et chaque fois avec des mots extrêmement choisis, qui n’apparaissent que là dans tout le NT (on dit dans le jargon des exégètes que ce sont des mots hapax) ! 

Et puis j’ai retrouvé un vieux sermon pour Noël du 14ème siècle, de Jean Tauler, que Luther aimait lire et relire ; je vous le confie : 

« La Naissance du Fils en nous. Dans cette naissance Dieu se donne à l’âme et vient lui appartenir à un point tel que rien ne lui a jamais été en si intime possession. Le texte ne nous dit-il pas: « Un enfant nous est né; un fils nous est donné » ? Il est nôtre. Tout à fait nôtre. Nôtre plus que tout autre bien. Il naît à chaque instant et sans cesse en nous ».

Alors, je me suis décidé à vous raconter ce soir l’histoire des langes de Noël, qui nous rappelle que naître est toujours de saison, et que la lumière attend de naître, en chacune et chacun d’entre nous, dans le terreau de notre fragilité enfin acceptée. 

Alors joyeuse, douce et lumineuse nuit de la Nativité !

Pasteur Jean-François Breyne

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