La grâce de Dieu, un don gratuit à l’ère du marché

 

Martin JungeA l’occasion de la Fête de la Réformation, le pasteur Martin Junge, Secrétaire Général de la Fédération Luthérienne Mondiale, actualise, dans une lettre ouverte, le message de la Justication par la Foi.

Vous pourrez lire ci-dessous la traduction française. Pour les anglophones, vous pouvez lire la version originale : Reformation Day 2013

 

Lettre ouverte de Martin Junge à l’occasion de la Fête de la Réformation 2013

En 2017, nous célébrerons le 500e anniversaire de la Réforme, or à mesure que cette date se rapproche, une question se fait de plus en plus pressante: celle de la portée de la révélation théologique mise au jour à cette époque lointaine. Quelle est, pour les gens aujourd’hui, la signification du message selon lequel notre justification devant Dieu ne dépend pas de qui nous sommes et de ce que nous faisons mais de qui est Dieu et de ce que fait Dieu?

La question de la portée de la Réforme après 500 ans a fait l’objet d’une intense réflexion parmi les membres d’un comité spécial de la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM), qui avait pour tâche de mettre au point un cadre conceptuel pour les célébrations de l’anniversaire de la Réforme par la FLM.

«Pas à vendre»: cette phrase a été fortement mise en exergue dans le rapport du Comité spécial de la FLM «Luther 2017: 500 ans de Réforme», approuvé par le Conseil de la FLM en juin 2013. Cette phrase fait directement écho à la position ferme et catégorique de Martin Luther au sujet de ce qui était devenu un objet commercial alors qu’elle échappe au contrôle des êtres humains, ne pouvant donc pas devenir un bien à échanger dans le cadre d’une relation commerciale: la grâce abondante et débordante qui pardonne et appelle les gens dans la vie nouvelle. Ce que Dieu a donné gratuitement par l’intermédiaire des actions et des mérites de Jésus Christ ne peut pas être laissé aux mains du commerce et de la spéculation!

Par cette sincère parole de protestation, la joie et la fraîcheur de l’Évangile éclairèrent à nouveau une multitude de gens qui désespéraient jusqu’alors de voir la preuve de la faveur et de la miséricorde de Dieu, qu’ils devaient appréhender pour leurs vies brisées et ambiguës.

À cet égard, la portée de cette perspective fondamentale de l’Évangile de Jésus Christ telle qu’elle a été dévoilée au 16e siècle est stupéfiante. Elle s’oppose aux tentatives constantes qui visent actuellement à assujettir, contrôler et commercer ce qui, en fin de compte, ne saurait être considéré comme une marchandise et qui ne devrait donc jamais être l’objet d’échanges commerciaux. Elle remet en question le culte absolu dont fait l’objet le marché aujourd’hui, qui bouleverse au plus profond les systèmes de valeurs des individus et des sociétés, ébranlant la cohésion sociale et mettant en péril les équilibres financiers et écologiques.

Le comité spécial dont j’ai parlé plus haut a relevé trois aspects spécifiques de la portée de ce «pas à vendre» médiéval.

– Le salut n’est pas à vendre: Il ne servirait à rien de reproduire les vieux litiges qui opposaient au 16e siècle catholiques et luthériens, surtout depuis la signature de la Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification, en 1999, qui les a considérablement réinterprétés. Néanmoins, l’anniversaire de la Réforme demeure un excellent prétexte à l’auto-examen dans la mesure où la religion est de plus en plus poussée à intégrer l’économie de marché. En effet, les questions et les attentes des gens ne sont à de nombreux égards plus les mêmes aujourd’hui; pourtant, l’aspiration de millions de gens à la plénitude, leur espérance d’une vie digne et leur douloureuse intuition que seuls les miracles peuvent assurer leur prospérité continuent d’alimenter un marché religieux florissant. Le message de la justification par la foi seule n’est pas évident et ne devrait jamais être considéré comme un acquis, même dans les Églises de la tradition réformée, car elles aussi doivent lutter pour laisser la justice divine l’emporter sur notre conception humaine de la justice. Le salut et la plénitude, la guérison des relations, la dignité de la vie, l’aspiration à la prospérité – rien de tout cela n’est à vendre.

– Les êtres humains ne sont pas à vendre: Une étude sur les conditions de vie des ouvriers étrangers sur les grands chantiers de construction a été récemment rendue publique. Les résultats de cette étude suscitent une question consternante: c’en est-il vraiment fini de l’esclavage? Ou n’a-t-il pas trouvé d’autres moyens, plus sournois, pour perpétuer ses pratiques inacceptables de commerce de la main-d’oeuvre, des organes, des enfants et des femmes, et des êtres humains au sens large? Pour des centaines de milliers d’individus, la traite des êtres humains reste un cauchemar. L’Évangile libérateur de Jésus Christ s’adresse à ces réalités et à ces personnes aussi, posant les bases de valeurs solides qui affirment une position claire: les êtres humains, leurs droits et leur dignité ne sont pas des marchandises qui peuvent être échangées. Ils ne sont pas à vendre.

– La création n’est pas à vendre: Certes, dans ses discours, au 16e siècle, Luther n’avait pas principalement en tête la création comme un élément qui pouvait s’inscrire dans le cadre de l’action rédemptrice de Dieu. À cette époque, les problèmes écologiques n’avaient pas pris l’ampleur ni la portée qu’ils ont aujourd’hui. Au cours de mes récents voyages auprès des Églises membres de la FLM en Afrique, j’ai pris conscience de la pression considérable exercée par le manque d’eau sûre, ainsi que par la vente et la location de vastes superficies de terrains communautaires. L’eau et la terre – des biens que les communautés pastorales détenaient en commun – sont de plus en plus soumis aux lois du marché. Elles sont devenues des marchandises, contraignant des communautés à émigrer et à s’établir dans des bidonvilles. Le «pas à vendre» de la Réforme pourrait devenir une contribution importante au débat public et mondial, car il rappellerait à la famille humaine qu’il existe des éléments et des aspects de la vie

et du monde qui – dans l’intérêt non seulement de la vie éternelle mais aussi de la vie terrestre – ne doivent jamais devenir des marchandises.

Le message de la justification par la foi seule comporte un pouvoir de libération. Il a la capacité d’aller bien au-delà des coeurs des croyants et des murs de l’Église. Cependant, il exigera des Églises de pratiquer un service pastoral et diaconal veillant à ce qu’on entende les récits et les expériences des femmes, des hommes, des jeunes et des enfants dans leur chemin de vie et à ce qu’on puisse recevoir le message libérateur annonçant que tout n’est pas à vendre.

Pasteur Martin Junge
Secrétaire général de la FLM

2 réponses
  1. Anonyme
    Anonyme dit :

    En considerant retrospectivement notre vie de foi, pouvons-nous dire que nous avons compris les enseignements de la grace de Dieu et que nous en avons tenu compte ? Combien de peine ne donnons-nous pas a notre Seigneur bien-aime par notre manque de disposition a apprendre ! Et pourtant, dans sa grace, il ne se fatigue pas de nous enseigner. Quelle reconnaissance ne devrions-nous pas eprouver, mais combien cela devrait aussi renforcer notre conscience de la grandeur infinie de la grace !

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  2. Anonyme
    Anonyme dit :

    On distingue d’abord la grace increee de la grace creee. La premiere est la bonne disposition dont Dieu temoigne a l’egard de l’homme en habitant en lui ; la seconde consiste en une transformation de l’homme.

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